A la Maman que je n'ai pas hésité à mettre mal à l'aise à l'aire de jeux
La traduction d'un article paru sur "The Mighty.com", écrit par Bethany Conkel...
"J'appréciais vraiment notre conversation à l'aire de jeu. C'était rempli de tous ces menus riens et autres bavardages que je me suis mise à apprécier en tant que maman d'un jeune enfant. Je trouve que ces rencontres improvisées entre mamans sont une manière agréable de passer le temps.
C'est alors que c'est arrivé.
Malheureusement, je savais que ça arriverait probablement. Vous avez posé une question banale et apparemment innocente : "C'est votre aînée?"
Je savais qu'il aurait été plus simple de faire abstraction de la question, ou que j'aurais pu répondre de plusieurs manières différentes, mais j'ai fait le choix, il y a longtemps, de toujours répondre honnêtement à cette question.
"Non, ce n'est pas mon aînée. Mon aîné est décédé peu après sa naissance."
La douceur s'est éteinte de votre visage. C'est l'horreur, la confusion, et la tristesse qui se sont succédés avant que vous ne parveniez à récupérer vos esprits. Je sais que ce n'est pas la réponse que vous attendiez, et je déteste qu'en l'espace d'une instant notre joyeuse petite conversation se soit transformée en un moment gênant. Le silence s'est éternisé quelques secondes avant que vous ne réussissiez à murmurer "je suis vraiment désolée" et à regarder ailleurs.
Alors je me tourne vers ma fille, et, ignorant le silence qui plane, je me demande à quoi vous pensez.
Bien que je ne puisse probablement jamais le savoir, je devine que vous souhaitez n'avoir pas posé cette question. Je sais que je vous ai mise mal à l'aise, et, tandis qu'un part de moi souhaiterait s'excuser, l'autre part est inflexible.
Ça doit sûrement sembler terrible, mais cela ne me gêne pas de vous avoir mise mal à l'aise parce que mon fils, malgré sa vie trop brève, était important.
Il compte. Il a été chéri, tendrement aimé. Sa vie avait de la valeur, du sens, et a laissé une trace en ce monde. Sa vie a peut-être été limitée, à cause de son état de santé, mais il était en vie, quoiqu'on en dise. Cette vie vaut la peine qu'on en parle, même si cela met les autres mal à l'aise.Malgré le fait que je savais que je vous mettrais mal à l'aise, cela m'était plus ou moins égal.
Vous voyez, je ne réponds pas à cette question de cette manière là juste pour mon fils et moi, mais parce que je sais que beaucoup de mamans portent le fardeau de la grossesse et du deuil périnatal en silence, par peur de mettre les autres mal à l'aise.
Les mamans ne partageront pas ce qu'elles vivent avant de savoir qu'elles peuvent le faire dans un contexte où ce sera accepté naturellement par les autres.Cela ne me gêne pas de vous mettre mal à l'aise parce que, en mentionnant mon fils, je vous donne aussi l'opportunité de me parler des bébés que vous avez peut-être perdu.
Ça m'est arrivé plusieurs fois après avoir parlé ouvertement de mon fils. Si vous arrivez à dépasser cette sensation de malaise, vous réaliserez que, par ma franchise et mon honnêteté, j'ai créé des conditions idéales pour que vous puissiez, à votre tour, partager votre vécu avec moi.C'est pourquoi j'espère que la prochaine fois que nous nous rencontrerons au parc et que vous me verrez assise avec ma fille qui joue au sable, vous vous sentirez assez à l'aise pour me parler. J'espère que vous voudrez me poser d'autres questions, peut-être même des questions sur mon fils. Et si, par hasard, vous avez vous aussi connu un deuil périnatal, peut-être vous sentirez vous assez en confiance pour me parler de vos enfants - de tous vos enfants - même celui que vous avez perdu."
Note de l'Auteur (additif en date du 15 juin 2015)
Cher Lecteur,
Suite à de nombreuses controverses et à la confusion qui a suivi la publication de mon article, je me sens obligée de clarifier quelques points.
Tout d'abord, le plus important, c'est que je vous remercie de réaliser que je n'ai jamais voulu rendre cette mère mal à l'aise. Ce n'était pas mon but, mon intention en parlant de mon fils. J'ai répondu à sa question, tout simplement, avec honnêteté, et dit qu'il était décédé. En répondant honnêtement, je savais qu'elle se sentirait probablement mal à l'aise, et c'est ce qui est arrivé. Quand je lui ai dit que mon fils est décédé, je lui ai dit avec calme, douceur, et avec ma voix la plus gentille. Je ne lui ai pas crié dessus, fait honte, dit des choses méchantes ou je n'ai pas essayé non plus de faire en sorte qu'elle se sente mal. J'ai simplement répondu à sa question avec honnêteté. C'est ma réponse honnête qui l'a rendu mal à l'aise.
Beaucoup de mes lecteurs m'ont fait remonter que j'aurais du poursuivre la conversation pour aider l'autre mère à me comprendre et soulager son malaise. Merci de réaliser que j'essaie en général de poursuivre la conversation. La plupart du temps, je poursuis ma première phrase en disant quelle bénédiction a été la vie de notre fils (même si elle a été courte), comment il est devenu donneur d'organe, combien nous sommes fiers de lui, comment il continue d'affecter nos vies. Malheureusement, les gens ne me donnent pas toujours l'opportunité de continuer la conversation ou de partager ces éléments avec eux. Parfois, les gens son si mal à l'aise qu'ils souhaitent arrêter la conversation et ne me donnent pas l'opportunité de poursuivre le partage. J'aurais adoré partager davantage avec cette maman! Malheureusement, je n'ai pas pu, cette fois là.
Au début, quand j'ai perdu mon fils, je me sentais très mal lorsque je le mentionnais et voyais le malaise de gens. Je m'excusais abondamment. Cependant, je ne m'excuse plus et ne me sens plus gênée de rendre les gens mal à l'aise (ainsi que je l'ai dit dans mon article). J'ai fini par réaliser qu'il y a un tabou terrible autour du deuil périnatal, et qu'il faut que ça change. J'ai aussi pris confiance dans le fait que mon fils vaut la peine que l'on parle de lui... même si cela met mal à l'aise quelqu'un. C'était l'objet de mon article.
Certaines personnes n'ont pas compris non plus que la deuxième partie toute entière de mon article était une conversation interieure avec moi-même. Je n'ai rien dit de tout cela à cette mère. La seconde moitié de mon article montre pourquoi je pense qu'il est important que je parle de mon fils et pourquoi j'encourage les autres à parler de leur deuil aussi.
Finalement, je réalise que tout le monde ne veut pas, dans la communauté du deuil périnatal, parler de son deuil. C'est normal. Je ne voulais pas dire que les autres devaient partager sur leur deuil, mais plutôt que je sais que certains souhaiteraient pouvoir le faire.
Merci de me lire. J'espère que mes mots permettent de clarifier mon propos et aide à mieux le comprendre. De la douceur (...) aux familles qui me lisent et ont vécu le décès d'un enfant.
Bethany
Comme je vous comprends ! J'étais enceinte de jumelle pour mon plus grand bonheur jusqu'au jour ou mon rêve c'est transformée en cauchemars
RépondreSupprimerou une de mes filles et décédée in-utero à 26 semaines et j'ai du garder le petit corps sans vie de ma Zoé pour sauvé Ambre pendants 10 semaines environ ou tout est devenue peur et inquiétude! alors quand les gens me demande "c'est votre 1ére? "ou "vous n'avez pas d'autres enfants?" mon corps tout entier me crie de leur répondre que non c'est pas ma 1ére, sa soeur jumelle était son ainé mais elle est décédée , oui j'ai d'autre enfants une petites fille Zoé qui est parti rejoindre les anges mais je n'y arrive pas alors je leur répond tout l'inverse de se que je voudrais leur dire pour ne pas les mettre mal a l'aise et pour ne pas les embêter
Je vous admire pour se courage que je n'ai pas , un jour peut être mais ma douleur et bien trop grande encore ! mais je promet à Zoé qu'un jour j'y arriverai <3
Bonjour Séverine,
SupprimerFaites selon votre coeur, votre petite Zoé sait combien vous l'aimez...
C'est important de vous respecter, de faire ce que vous sentez juste pour vous... Allez à votre rythme et traitez avec douceur cette douleur immense que vous traversez, protégez-vous.
Un jour, comme vous le pressentez, vous sentirez que, à certaines personnes, vous pourrez répondre à cette question avec franchise.
Je vous envoie beaucoup de douceur en attendant <3
Bonjour et merci pour la traduction de cet article. J ai perdu ma fille depuis peu mais je parle ouvertement de Tiffany. Pour casser le mal être que ça provoque je dis souvent que la nature a voulu garder avec elle La plus belle des fleurs mais il est vrai que les gens même proches évitent le sujet. Tiffany ( 32sa) a fait de moi une maman et de mon couple une famille alors il est impensable pour moi de ne pas être sincère quand on me questionne . Merci pour votre blog.
RépondreSupprimerAlex & TIffany
Bonjour Alex et merci pour votre message très touchant.
SupprimerTiffany fait partie de vos vies, de vos cœurs, et votre entourage, petit à petit, comprendra que le silence ne fait que renforcer la douleur et la peur de l'oubli...
Je vous souhaite beaucoup de force pour affronter le manque et l'absence.
Pensées douces et tendres à Tiffany