vendredi 3 juillet 2015

Les émotions du deuil périnatal - La Tristesse

Prendre le temps d'être triste lorsqu'on est en deuil

Vivre sa tristesse en deuil
J'avais, il y a quelques mois, commencé un cycle sur les émotions auxquelles tout parent endeuillé est confronté. Nous avions alors abordé la colère.
Ce 3 juillet est parfait, pour moi, pour vous parler d'une autre émotion caractérisant le deuil : la tristesse.
Cela fait 4 ans, aujourd'hui, que ma petite fille a cessé de vivre, 4 ans que je vis au quotidien avec son absence, 4 ans que je ne la vois pas grandir, jouer, se disputer, évoluer. 4 ans qu'elle est et restera mon bébé, cette toute petite fille ronde et précieuse, cette enfant dont je ne connaitrai jamais la couleur des yeux.
Je ne pouvais donc choisir de meilleur jour pour vous évoquer avec vous la tristesse...


La tristesse, émotion du deuil

Le deuil est, selon wikipedia, "une réaction et un sentiment de tristesse éprouvés à la suite de la mort d'un proche."
La tristesse est donc par définition indissociable du deuil, elle est même l'émotion qui le définit. 
La reconnaître, l'accueillir, la vivre, sont les premiers pas qui permettent de se découvrir en deuil. Ressentir, au plus profond de soi, cette tristesse qui enserre, qui saisit de manière parfois inattendue c'est, petit à petit, prendre la mesure de l'étendue de la perte subie.
Les parents, dans le cas d'un deuil périnatal, peuvent parfois être surpris de l'ampleur de leur tristesse. Comment ce si petit bébé, qu'ils ont parfois à peine rencontré, serré dans leurs bras, avec lequel ils ont si peu vécu, peut-il laisser un si grand vide? 
Leur entourage, quelquefois, augmente encore leur trouble en banalisant leur perte par quelques phrases malheureuses : "c'est mieux ainsi"... "c'est mieux que s'il avait vécu"... "passe à autre chose".
La tristesse permet aux parents de rester en lien avec eux-même, de se respecter et de respecter leur enfant... Elle est donc essentielle!

Comment se manifeste la tristesse?

Appartenant aux émotions dites "négatives", la tristesse n'est toutefois pas facile à vivre.
Elle se manifeste souvent par des pleurs, un repli sur soi, un profond mal-être. S'y confronter est difficile et ce d'autant plus que, socialement, la tristesse est mal perçue.

Pourquoi la tristesse fait-elle peur?

Symptôme de la douleur, la tristesse met bien souvent ceux qui en sont témoin en position d'impuissance : comment alléger la peine de l'autre? Que peut-on FAIRE?
En réalité, bien peu de chose, puisque ce qui nous fait souffrir (deuil, trahison, frustration...) est bien réel. 
Expérimenter la tristesse, la nôtre ou celle des autres, c'est ainsi entrer dans le lâcher prise et accepter que l'on ne peut pas tout maîtriser dans sa vie. Il y a, en effet, de quoi se sentir un peu dépassé, surtout dans un monde qui vit dans une illusion de toute puissance!
Ainsi, bien souvent, dès notre enfance, nos parents, la société toute entière nous enjoignent de "ne pas pleurer", de "ne pas être triste", tout simplement parce qu'ils ne savent comment nous aider ou qu'ils voudraient nous protéger contre les vicissitudes de la vie
C'est fort regrettable, car, ce faisant, non seulement ils ne nous mettent pas à l'abri contre les aléas du quotidien (tout simplement parce que c'est impossible) mais, en plus, ils ne nous apprennent pas à y faire face
Devenus adultes, nous restons donc désarmés face à notre tristesse et tentons tant bien que mal de faire bonne figure en la réprimant...

Nous rassurons ainsi les autres, qui ont peur de notre douleur, peur aussi que notre tristesse soit le symptôme d'une dépression.
Or, on ne le répétera jamais assez : le deuil n'est pas une dépression. Il est une réaction normale à une perte très douloureuse... La personne endeuillée présente des "symptômes dépressifs" mais leur cause est parfaitement identifiée.
En cherchant à réprimer la tristesse, on se prive d'un outil certes douloureux et déroutant, mais parfaitement adapté pour régir au deuil que nous subissons. C'est alors que les risques de dépression peuvent arriver.

A quoi sert la tristesse?

La vie, parfois, nous fait souffrir, et la tristesse est là pour nous permettre d'intégrer la réalité de ce qui nous est arrivé, de ce que nous avons perdu, à notre vie. Isabelle Filliozat dit très bien qu'il s'agit de "reconstruire sa totalité après avoir perdu un morceau de soi"
En repensant à ce qui nous fait souffrir, en acceptant de laisser couler les larmes, en revivant les souvenirs vécus avec l'être aimé pour mieux les garder en son coeur, peu à peu, la tristesse nous permet d'accepter, même l'inacceptable.
C'est dire si c'est une émotion fondamentale du deuil, et s'il est indispensable de s'autoriser à la vivre!

Comment vivre sa tristesse, dans le cas d'un deuil périnatal?

 Je dirais qu'il faut, d'abord, se respecter et se traiter avec douceur.
Il n'est pas de plus grand traumatisme que de perdre un enfant, inutile d'en rajouter en se rudoyant!
En fonction du moment et de son état d'esprit, la tristesse peut prendre différentes formes...

L'endeuillé peut avoir besoin d'être seul

Dans ce cas, se réserver un moment, dans son emploi du temps, pour pleurer, seul, tout son saoul, peut être très adapté.
Si le parent en deuil n'a pas envie de voir du monde, il peut rester chez lui, avec un livre parlant de deuil, regarder un film triste, rester, tout simplement, les yeux dans le vide, prendre sa voiture ou aller se promener ...
Bien souvent, les larmes viendront tout naturellement.
S'autoriser à les laisser couler, avoir le courage de le faire (c'est souvent difficile de se laisser aller à des émotions de tristesse!) est important.
Les larmes vont permettre la sécrétion d'endorphines qui vont apaiser l'endeuillé, le laisser plus calme, fatigué. 
Ainsi, vivre sa tristesse permet souvent des nuits meilleures. Ce n'est pas anodin, lorsqu'on sait que les insomnies perturbent les nuits de bien des endeuillés...

La personne triste peut parfois aussi avoir besoin d'être consolée

 Parler avec des amis de ce que l'on vit, partager sa tristesse permet aux autres de pouvoir faire preuve d'empathie. C'est si réconfortant de se sentir entouré d'amour, il serait dommage de cacher aux autres (judicieusement choisis!) ce que l'on vit. Je disais plus haut l'impuissance de ceux qui sont témoins de la tristesse. Pourtant, bien souvent, la présence soutenant, sans jugement, de l'autre suffit...
On peut simplement dire à ses proches que, parfois, on a besoin d'être seul pour pleurer. Ils sauront ainsi où on en est, pourront manifester leur sympathie et en tenir compte.
Il peut aussi arriver que l'on se sente très seul, en grande détresse, et que l'on ait besoin de bras dans lesquels pleurer, ou d'une voix réconfortante au bout du téléphone.
Il ne faut pas hésiter alors à faire la liste des personnes sur qui on sait pouvoir compter dans les moments difficiles. Ce peut être des proches mais, de temps temps, nos deuils révèlent aussi des personnes auxquelles nous n'aurions jamais pensé, mais qui sauront être là pour nous!

Vivre sa tristesse grâce aux souvenirs vécus avec son bébé

Perdre un bébé au cours de la grossesse est d'autant plus compliqué que les parents auront vécu peu de moments avec leur enfant.
Ils sentent, à l'intensité de leur peine, combien ce qu'ils vivent est dramatique, mais n'ont que très peu de souvenirs sur lesquels s'appuyer pour faire leur deuil.
Souvent, les parents, moi la première, sont frappés par le fait qu'il ne reste "rien" ou si peu de chose de leur bébé, après sa mort. Cet enfant que si peu de monde a connu, dont la couleur des yeux reste un mystère, tout comme la voix, comment faire son deuil?
N'oublions pas que l'enfant a vécu, avant de naître, toute une vie avec ses parents. Il a été désiré ou s'est invité de manière impromptue, il y a eu, pendant les quelques mois où il grandissait dans le ventre maternel, des échographies, des événements familiaux, des anecdotes. Le ventre s'est arrondi, il y a peut-être quelques photos de la grossesse, un ou deux monitorings...
Autant de traces de sa présence, d'une vie bien réelle.
Ressortir ces souvenirs, les garder précieusement, les raconter sur un joli cahier, pleurer en le faisant, sont autant de moyens de vivre sa tristesse, après avoir perdu un bébé mais aussi, petit à petit, de réaliser que cet enfant fait bien partie de la famille et que l'on a vraiment vécu avec lui tout un ensemble de souvenirs, joyeux ou tristes...

Prendre soin de soi, après...

Laisser libre cours à sa tristesse n'est pas facile et réclame une bonne dose de courage. Une fois les larmes épuisées, on se sent souvent plus calme, mais aussi prêt à vivre autre chose.
C'est avec beaucoup de douceur, dans l'apaisement qui suit les pleurs, que l'on pourra écouter son cœur et faire quelque chose qui nous fait du bien...
Ce peut-être de voir un ami, de faire une balade dans la nature, de passer un moment de jeux avec ses amis, de lire un livre ou de ressortir ses crayons...
Peu importe, ce qui compte, c'est de prendre le temps de ressentir ce vers quoi on se sent appelé, ce vers quoi notre chemin de deuil nous mène.
Ce peut-être l'occasion, parfois, de revisiter ce qui est vraiment important pour soi, de mieux se respecter, en mémoire de son bébé...


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