L'instinct de Vivre, par Laetitia Lycke, un témoignage poignant sur le deuil périnatal, l'histoire d'une reconstruction.
Je vous parle aujourd’hui d'un nouveau livre sur le deuil périnatal…
J’ai aimé tout d’abord la forme de l’ouvrage. Il y a ce
format atypique qui en fait un bel objet, la photo de couverture en noir et
blanc, souvenir de grossesse, belle et triste, et les pages intérieures, de ce
jaune orangé si lumineux, vibrant, vivant…
Finalement, en quelques couleurs, en quelques images, de
manière très sensible, tout est dit du texte que nous nous apprêtons à lire.
L’écriture, sans fioriture, parfois presque parlée, prend aux tripes
et au cœur. Ne prétendons pas qu’il s’agit d’un ouvrage de littérature, ce
n’est pas le cas, il s’agit, de manière assumée, d’un témoignage. Le témoignage
d’une mère qui 10 ans plus tôt, a vu sa vie basculer avec la naissance
prématurée et la mort de son premier fils, Gabriel.
C’est sans doute ce recul de 10 ans, l’immensité du chemin parcouru depuis ce deuil impensable, ainsi que sa grande honnêteté, qui donnent à ce livre toute sa force.
Les mots utilisés sont parfois brutaux, toujours sincères,
et ils dévoilent, au fil des pages, de manière thématique, un message empreint
d’espoir et d’humanité.
L’auteur raconte…
Sa vie, la personne qu’elle était avant, l’insouciance, la
spontanéité, l’arrogance aussi…
Et puis ce choc immense, ce séisme qui l’oblige à faire
face, à ne plus se mentir, à ne plus se satisfaire des seules apparences.
Tout au long du livre, la recherche du sens à donner à ce
drame transparaît, la guide vers une transformation profonde, lente,
douloureuse mais également très belle.
Elle raconte l’anesthésie des émotions, la dépression, la
paralysie morale qui l’a saisie après la mort de son bébé, et la vie qui,
malgré tout, malgré elle, continue, sans elle.
Elle raconte la tentative pour faire bonne figure, les
enfants d’après et la vie de couple qui se construisent tant bien que mal,
autour du silence et de l’évitement.
Elle raconte comment, finalement, ces efforts pour se
construire autour du vide immense laissé par son fils sans jamais le nommer,
sans écoute, coupée d’elle-même, conduiront à l’effondrement puis à la
reconstruction.
Nous la suivons dans ce cheminement, à travers le regard
qu’elle porte aujourd’hui sur celle qu’elle était et sur son entourage.
Son témoignage est éminemment précieux car il dit, mieux que toutes les théories, nombre de choses sur le deuil en général, et le deuil périnatal en particulier.
Il le fait sans se focaliser uniquement sur la mort du petit
Gabriel, en racontant la vie de Laetitia dans sa globalité.
Ce choix me semble très pertinent, car une vie ne se définit pas par l'existence d'un deuil périnatal mais que,
en revanche, cet événement traumatisant va avoir un retentissement important
sur tous les autres aspects de la vie quotidienne : travail, vie
familiale, éducation des enfants…
J’ai retenu de son récit plusieurs points qui m’ont
particulièrement touchée, et que je vous partage.
Le temps ne suffit pas
Le temps, s’il est un allié indispensable à l’apaisement du
deuil, à la réapparition de l’instinct de vivre, ne peut suffire.
Ce que raconte ce livre, c’est un « travail » de
deuil, qui a nécessité beaucoup de pugnacité, de courage et de volonté.
La volonté ne suffit pas non plus
Un deuil ne se résout pourtant pas non plus à grand coup de
principes et de volonté « intellectuelle », raisonnable et
raisonneuse. Il n’est pas question d’aller bien puisque « j’ai tout
pour être heureuse », « j’ai la chance d’avoir d’autres enfants en
bonne santé » et autres « je veux que ça aille, j’y arriverai ».
Cette fuite en avant dans l’action, ce refus des émotions ne
peuvent construire qu’une vie fragile, susceptible de se fissurer et de
s’effondrer à tout moment.
Ce sont finalement l’écoute et le respect de soi, de ses
ressentis, de son instinct de vivre, encore une fois, qui sont au cœur du si
long chemin à parcourir.
La communication dans le couple peut être difficile après un deuil
Laetitia nous raconte la désintégration progressive de son
couple, de manière à la fois factuelle et chargée d’émotions…
Il se dégage du récit de ce naufrage beaucoup
d’incompréhensions et de ressentiment, de colère, face à des comportement
difficiles à pardonner.
Je lis, pour ma part, en filigrane, lorsque Laetitia raconte
le surinvestissement par son mari du bébé d’après et son incapacité à affronter
les situations traumatisantes, la souffrance trop bien tue d’un homme à qui la société a enseigné qu’un homme « ça ne pleure pas », le coupant ainsi de
toute émotion, de toute relation à lui même et aux autres. La difficulté, aussi, de se parler au coeur de la tourmente, de communiquer...
Ce passage du livre m’a beaucoup interpellée, car je reste
persuadée que la souffrance des pères, leur prise en charge dans ces décès de
bébés à naître reste un grand combat à mener.
La quête de sens est au cœur du deuil
La quête du sens à donner à cette perte revient sans cesse,
tout au long du livre. Il est vrai, sans aucun doute, que c’est ce combat pour
donner ou trouver un sens à ce qui n’en a aucun, ou pour accepter qu’il puisse
se produire des événements n’ayant aucun sens, qui est une des marques
principales du fameux « travail de deuil ».
Les réponses appartiennent à chacun et celles de Laetitia
ont le mérite d’interroger les nôtres, de porter témoignage d’un parcours
individuel, d’une recherche qui ne peut être transposable à personne d’autre. Je ne me suis pas reconnue, pour ma part, dans ce parcours, mais il me semble que la force d'un témoignage est, justement, de ne pas être complètement transposable, puisque nous sommes tous uniques.
Le livre est enfin, peut-être surtout, un message d’amour de l’auteur à son fils aîné, dont l’existence et la rencontre ont changé sa vie, le regard qu’elle porte sur elle-même et sur les autres, au jour le jour.
Il
est en cela très émouvant, très personnel aussi.
Page après page, c’est un parcours unique, propre à
l’auteur, qui se dévoile et invite chacun à trouver, à son tour, sa propre
voie, ses propres questions, son rapport à la liberté et, parfois, l’ébauche d’une
réponse qui n’appartient qu’à soi…
En se retournant sur le chemin parcouru, Laetitia nous livre
un peu de son trésor personnel, celui que nous portons tous en nous, celui de
l’expérience, du vécu qui nous tisse au fil du temps et qui est si difficilement
communiquable. Ce trésor qui fait dire aux africains qu’un vieil homme qui
meurt, c’est une bibliothèque qui brûle…
Une bibliothèque sous la
forme d’un livre, c’est un très beau cadeau, non ?Vous pouvez vous le procurer en suivant ce lien...
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