Lettre à une jeune mère endeuillée
Il y a peu, ton bébé est mort.
Ca semble impossible à penser, à dire, à écrire, mais c’est
arrivé. Ca t’est arrivé à toi.
Et maintenant ?
Comment survivre ? Quoi faire après ?
Tout semble dérisoire, plus rien n’a de sens.
Pour quoi, pour qui, surtout, se lever le matin ?
Indécise, tu hésites.
Arrêter de vivre ?
Tourner la page ?
Et si, comme souvent, la réponse n’était pas dans cette
dualité, pas dans ce « tout noir » ou « tout blanc » ?
S’il s’agissait d’apprendre à vivre « avec » cette terrible absence, sans faire semblant, sans avoir à « être forte », à « prendre sur soi » ?
Si on pouvait prendre le temps, tout son temps, pour aller
mal avant de savoir qui on est devenu après ce séisme ?
Si on pouvait vivre sans rien oublier, vivre pour être la
mémoire de nos enfants ?
Vivre, pour que nos vies portent la trace de leur vie, de ce
que leur courte existence a changé en nous ? La trace du bonheur de les
avoir attendus et portés, la trace du chagrin de connaître la valeur de toute
vie, la trace de l’empathie et de l’humanité rencontrées autour de nous, auprès
de quelques uns ?
Pour cela, il faut « juste » vivre chaque jour après l’autre.
Je mets « juste » entre guillemets, car, pendant des
mois, la douleur peut parfois, souvent, être intolérable. Des mois à se
promener au bord d’un précipice avec, au ventre, la peur qu’il t’aspire.
Mais prendre chaque jour, néanmoins, se laisser traverser par la douleur, l’accepter, la vivre.
Avec courage. Ne pas fuir, ne pas s’abrutir de
médicaments, de travail…
Car, à cet instant là, après la mort de ton enfant, quoi
vivre, sinon la douleur ? La vivre entièrement, jusqu’au bout, sans
chercher à lui échapper. Pleurer, tous les jours, toutes les larmes de ton
corps.
Un jour, peut-être même tous les jours, entre deux larmes, l’apaisement viendra.
Ce pourra être, tout simplement, la
caresse d’un rayon de soleil sur ta joue, une fleur qui éclot, un moment entre
amis.
Peu importe. Vis ces moments de répit avec autant d’intensité
que les moments de tristesse. Tu ne les as pas volés, ils ne veulent pas dire
que tu oublies ton bébé, ni, d’ailleurs, que le deuil est fini. Un deuil est-il
fini un jour ?
Tout comme la douleur, ils sont là, quelques instants, ils
sont ce que tu as à vivre, là. Après, on verra.
Si c’est trop dur, n’hésite pas à aller voir un psychologue, de préférence spécialisé dans le deuil périnatal.
Renseigne toi auprès de ta
maternité, ou d’associations de soutien aux parents endeuillés. C’est important
de choisir quelqu’un qui connaît les spécificités du deuil périnatal, car il
s’agit d’un deuil très particulier, difficile à vivre. Un « deuil de
l’avenir », sans beaucoup de souvenirs en commun avec le petit disparu. Il
peut laisser des psychologues non formés assez démunis, et un psychologue
démuni n’est peut-être pas le mieux placé pour t’aider.
Tu peux aussi rejoindre une association de soutien aux parents touchés par un deuil périnatal. Rencontrer d'autres parents, se rendre compte que l'on n'est pas seuls, que le chemin est long et ardu mais qu'on peut aller mieux, cela peut-être d'une grande aide.
Tu peux aussi rejoindre une association de soutien aux parents touchés par un deuil périnatal. Rencontrer d'autres parents, se rendre compte que l'on n'est pas seuls, que le chemin est long et ardu mais qu'on peut aller mieux, cela peut-être d'une grande aide.
Fais des choses pour ton bébé.
Tu sentiras, en le faisant,
combien cela a du sens pour toi, combien cela t’apaise, combien ce lien entre
vous est là, vivant.
Fais le, mais à ton rythme, en te respectant. Il ne s’agit
pas de se forcer, mais d’être sur un chemin où tu avances, à ton rythme, un pas
après l’autre.
Peut-être as-tu une tombe, un lieu où te recueillir, où mettre des fleurs, des décorations.
Si tu en as envie, fais-le. Cela n’a rien
de morbide, c’est une manière de rendre hommage, de vivre « avec »
l’absence. Peut-être même t’apercevras-tu que tu es plus disponible pour les
vivants après ce temps passé près de ton tout petit.
Si tu n’as pas de lieu de recueillement, que le cimetière
est loin, que tu n’aimes pas les cimetières, peut-être préféreras-tu mettre une
bougie chez toi ou un arbre dans ton jardin, ou écrire une lettre sur un
cahier, faire un dessin… Fais selon ton cœur, à ton rythme, quand tu sens que
tu en as besoin. Ecoute ton cœur, tes émotions, laisse toi guider…
Ton bébé est dans ton cœur, à jamais, mais, au début, la
peur d’oublier, la peur que tout redevienne « comme avant » fait
qu’on a besoin de ces gestes à poser, qu’ils réconfortent.
Petit à petit, certains deviendront peut-être des rituels,
ou peut-être pas. Il y a tant de manière de vivre avec un deuil…
Raconte l’histoire de ton bébé.
Rassemble les souvenirs, les
photos de la grossesse, les échographies, les photos de la naissance si tu en
as. Choisis un bel album photo. Et raconte, en la mettant en images, l’histoire
de sa courte vie.
C’est sûr, tu vas pleurer. Beaucoup. Mais ces larmes sont
déjà en toi, et les laisser couler te fera du bien.
Quand l’album sera fini, tu seras fière de ce bel hommage,
dans lequel tu auras mis beaucoup d’amour.
Tu pourras le poser à côté des albums de naissance des
autres enfants, nés ou à venir, s’il y a d’autres enfants.
Tu pourras le montrer à tes proches, et ce sera peut-être l’occasion de parler un peu de ton bébé, alors que le silence domine bien souvent.
Tu pourras le montrer à tes proches, et ce sera peut-être l’occasion de parler un peu de ton bébé, alors que le silence domine bien souvent.
Fais le, mais prends ton temps. Le temps de vivre les
émotions qui remonteront, la joie de l’annonce de la grossesse, des premiers
instant… La douleur de la fin. Peut-être aussi les inquiétudes et l’angoisse.
Ce n’est pas rien. Il faut souvent un an pour arriver à terminer un tel album,
alors ne te mets pas la pression.
Quand tu pourras, quand tu te sentiras prête, décide de ce que tu veux faire des affaires du bébé.
Tu pourras en donner certaines. D’autres
seront très associées à ton bébé, n’appartiendront qu’à lui. Tu peux les mettre
dans une jolie boîte, une belle valise, avec d’autres souvenirs. Ce sera sa
valise. C’est important aussi.
Petit à petit, le temps va passer… Un jour après l’autre… Un
jour, ton bébé aura trouvé sa place dans vos vies, au creux de ton cœur, dans
l’histoire de ta famille. Un jour, tu iras mieux.
Mais pas tout de suite.
Mais pas tout de suite.
On dit que la première année est la plus difficile, faite de montagnes russes et de vagues de douleur qui vous submergent sans prévenir.
Donne-toi le temps de la vivre. De ne pas reprendre le
travail si tu ne le « sens pas ». Ca ne fait pas de toi une
profiteuse. Ni une dépressive. Juste une mère en deuil, et quel drame plus
terrible que de perdre son enfant ?
Enveloppe toi, pour mieux traverser ces jours, de douceur.
De gens qui savent écouter sans juger, se taire et ouvrir
leurs bras.
De gens qui savent aussi t’aimer et te faire rire lorsque tu
en ressens le besoin.
De bienveillance envers toi même, ton rythme, ce que tu
ressens.
Prends du temps pour faire ce que tu as toujours aimé faire,
même si, au début, tu n’en n’as pas envie.
Un jour après l’autre, pour traverser ce manque, ce deuil,
et trouver, avec ton histoire et celle de ton bébé, un nouvel équilibre.
Un an, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, pour
apprendre à porter dans ta vie, avec douceur, à ta manière, la trace de la vie
de ton enfant.
Toujours des mots si justes. <3
RépondreSupprimerMerci...
SupprimerPensées toutes douces à ta petite fille des étoiles... <3