Comme tout ce qu’ils apprennent, c’est en le vivant,
accompagnés par un adulte bienveillant, qu’ils traverseront le deuil, qu’ils comprendront
ce qui leur arrivé et comment, petit à petit, avancer avec l’absence et
l’Absent.
Bien souvent, il s’agira du décès d’un grand-parent, mais
parfois aussi d’un parent, d’un oncle ou d’une tante, d’un frère ou d’une sœur.
Bien souvent, nous, adultes qui accompagneront le petit
d’homme dans cette première expérience du deuil, nous serons démunis.
Parfois, ce sera, pour nous aussi, une première expérience
du deuil. Il arrive en effet fréquemment, la durée de vie s’allongeant, que
nous arrivions à l’âge adulte sans avoir été encore vraiment touchés par le
décès d’un proche.
Comment réagir, alors, face à la mort d'un proche ? Comment accompagner notre enfant, au plus juste de ce qu’il vit mais aussi de nos émotions ? En le respectant et en nous respectant ?
1 – l’autoriser à vivre cette expérience du deuil, du décès de quelqu'un qu'il aime
Pour pouvoir appréhender ce qu’il lui arrive, l’enfant à
besoin de le vivre.
Vous pouvez, s’il le souhaite, autoriser votre enfant à
assister à l’enterrement, et même à voir le défunt.
Un enfant n’a pas d’a priori sur la mort, pas de crainte. Il
prendra note de la réalité, telle qu’elle est, avec simplicité. C’est ainsi que
ce que nous vivons douloureusement peut lui paraître, à lui, naturel.
Il est important de discuter avec lui.
Expliquez lui ce qui s’est passé, ce qui va se passer.
Comment est le corps ? Où est-il ? Comment se passera
l’enterrement ? Quand et où ?
Vous pouvez lui proposer de voir le défunt.
Cela lui
permettra d’appréhender la réalité : le corps est là, mais la vie, elle,
s’est éteinte. Si l’on est croyant, on peut partager sa foi en un au delà, son
expérience.
Sinon, partager sa tristesse, être avec l’enfant, lui tenir
la main, sera un très beau gage d’amour.
Autrefois, et aujourd’hui encore dans certaines régions, des
veillées funèbres étaient organisées. Les adultes, rassemblés autour du mort,
pouvaient lui rendre un dernier hommage. Les enfants, eux, étaient là aussi et
vivaient leur vie d’enfant tout en voyant le défunt et la peine de leurs
proches.
Soyez à l’écoute, sans contraindre ni décider à la place de
l’enfant… Il est important que lui aussi, même jeune, puisse faire comme il le
souhaite et ne pas avoir de regrets.
Voyez aussi avec lui s’il préfère rester à l’écart ou être là pendant l’enterrement. Souvent, il voudra venir.
Être avec les autres, se sentir membre de la communauté,
autorisé par les adultes à être là lui aussi va lui permettre de vivre sa
peine, de la sentir légitime, de se sentir accompagné.
Votre enfant vivra ces expériences à sa mesure, avec son
regard. Je me souviens, à la mort de ma fille, de ma petite de 2,5 ans, qui
avait assisté à l’enterrement que je voulais pourtant lui épargner, chantant
sur la tombe de sa sœur, pendant la descente du cercueil « dans ma cabane
sous terre… ». Heureuse d’être là, avec nous, elle gardait son enfance et
avait pourtant parfaitement compris ce qui arrivait.
2 – le protéger de ce qui ne le concerne pas.
Il est important, malgré tout, de protéger votre enfant de
ce qui ne le regarde pas ou ne l’aidera pas dans son propre deuil.
En cas de mort violente, par exemple, montrer le corps abîmé
peut être inutile et traumatisant. On pourra, malgré tout, montrer une partie
du corps reconnaissable et intacte ou un objet, preuve de la réalité de la
mort. En tant qu’adulte, nous sommes là pour accompagner notre enfant, l’aider
à se rendre compte de la mort de son proche et, dans un deuxième temps, à
l’accepter.
Lui imposer des images de violence telles qu’un corps non
reconnaissable ou des disputes d’adultes peut laisser des traces indélébiles à
l’adulte qu’il sera.
A nous, en discutant avec lui, avec nos proches, avec des
professionnels, de l’accompagner et de le protéger au mieux.
3 – l’emmener sur le chemin de la vérité
Tout en protégeant votre enfant, lui dire la vérité, ou, tout du moins, cette vérité qui le concerne,
est primordial.
L’enfant vit en effet avec nous, il sent lorsque des choses
lui sont cachées : la mort d’une grand-mère, le suicide d’un oncle…
mettront la famille en émoi. De conversations chuchotées en larmes étouffées,
de silences subits à son entrée dans la pièce en émotions incompréhensibles de
son entourage, le secret transpirera vite.
Cependant, incapable de le décoder, l’enfant échafaudera sur
ce « trou » qu’il sent dans la vérité sa propre théorie. Petit,
encore incapable de comprendre ce qui se joue, essentiellement en train de se
découvrir au centre de l’univers, il s’attribuera le plus souvent la
responsabilité de ce drame qui affecte la famille. « Si on ne m’en parle
pas, c’est parce que c’est ma faute… »
Pour libérer l’enfant d’une responsabilité trop lourde pour
lui, pour l’aider à prendre sa juste place, non pas au centre de l’univers mais
au sein d’une communauté d’humains, il est donc importante de lui dire, avec
des mots simples, la vérité.
Il ne s’agit pas non plus de lui parler comme à un adulte,
de se décharger sur lui ou de tout lui dire. Juste, la plupart du temps, de
répondre en quelques mots à ses questions, sans anticiper.
Parfois, nous ne pouvons pas. Parce que la vérité est trop
lourde et insupportable pour nous, parce que nous sommes nous même en deuil…
Le dire à l’enfant, lui assurer que, lorsqu’on ira mieux, on
lui dira la vérité (et le faire, même si c’est des mois ou des années plus
tard !), le rassurer sur sa responsabilité… peut suffire.
L’un de mes formateurs disait que la vérité est un
chemin : il est important d’être dessus, de ne jamais mentir, mais pas
forcément d’arriver tout de suite au bout du chemin…
4 – répondre à ses questions sur la mort, la disparition, le pourquoi, le sens...
L’enfant, naturellement, cherche à comprendre le monde qui
l’entoure…
Dans la traversée d’un deuil comme dans la vie, laissons
nous guider par leurs questions, laissons les nous dire ce qu’ils ont besoin de
savoir…
Ecoutons les questions qu’ils nous posent, et répondons-y du
mieux que nous pouvons. Avec nos mots, nos croyances, nos incertitudes, nos propres questions.
Ecoutons les questions qu’ils nous posent, et entendons
l’émotion, l’interrogation, qui se cache derrière.
Pour cela, il faut écouter les mots, bien sûr, mais aussi la
manière dont ils sont prononcés. Il y a souvent, en particulier, des questions
très déstabilisantes pour nous, adultes, car elles reviennent sans cesse.
« Il est où, Papi ? » « Pourquoi le bébé est mort ?».
Répondre, une fois, deux fois, vingt fois, peut nous sembler
cruel, difficile, insurmontable.
Et pourtant… pourtant, si l’enfant pose et repose sans cesse
la même question, c’est sans doute qu’il n’en n’a pas « fait le
tour », qu’il n’a pas compris la réponse, ou qu’il attend une autre
réponse, qu’il devine confusément.
Pour vous aider, vous pouvez lui retourner la question. Vous
serez parfois étonné de la réponse. Ce sera l’occasion de discuter sur de
nouvelles bases .
Parfois, la réponse sera conforme à ce que vous avez
expliqué, mais cela aidera l’enfant de l’exprimer lui-même, avec ses mots. De
pouvoir, lui aussi, prendre la parole.
Vous pouvez aussi, si une question revient sans cesse,
« jouer » la réponse avec des petits personnages, laisser l’enfant la
dessiner… Il pourra ainsi exprimer ses peurs, sa colère, et se sentira moins
seul.
Enfin, si vous vous sentez trop isolé face à ses réactions,
trop éprouvé pour y faire face, en parler à un médecin peut parfois aider.
5 – témoigner, au quotidien, de notre deuil.
Ce qui prime, toutefois, dans cet accompagnement de
l’enfant, c’est de rester vrai, de témoigner de ce qu’est un deuil pour un
adulte, de ce qu’est notre deuil en particulier, de la manière de vivre,
soi-même, ses émotions.
Parce que l’enfant se construit d’abord en imitant les
adultes, ne laissons pas croire que nous sommes insensibles et que nous
maîtrisons tout.
Cela ne veut pas dire pleurer en permanence devant eux, non,
loin de là…
Mais respectons nous, réservons nous du temps, seuls, pour
vivre nos émotions et laisser nos larmes couler.
Laissons nous le temps de retourner dans le cours de la vie
« normale ».
Si, par aventure, les larmes coulent devant nos enfants,
laissons les couler, sans oublier d’expliquer notre peine et combien ils n’en
sont pas responsable…
Prenons les bons moments, aussi, les rayons de soleil,
acceptons les…
Prenons le temps de nous rappeler combien la personne qui
nous a quittés était importante pour nous, ses qualités, ses défauts, ce
qu’elle nous a apporté et qui ne quittera jamais notre cœur.
Parce qu’être en deuil, traverser un deuil, c’est cela,
aussi : cette réalité que, même si une personne meurt, la réalité de son
existence, de notre relation, elle, demeure. Et qu’au bout de ce chemin de
deuil, nous serons différent, riches de tout ce que l’absent nous a apporté,
nous a appris sur nous même, nos forces et nos faiblesses.
C’est cette réalité , si humaine, qu’il me semble important
de partager avec nos petits humains « en construction. »…
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