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mardi 24 février 2015

Sophrologie et Deuil Périnatal

 Lors d'un deuil, les émotions très difficiles à vivre se succèdent.
Il peut-être tentant de les mettre à distance pour mieux "tenir", on peut parfois se sentir désarmé pour faire face à ce déferlement de tristesse, de colère, d'anéantissement.
La peur d'être dépassé, de sombrer dans la dépression, l'impression que cela ne finira jamais, qu'on se s'en sortira pas, peuvent ajouter à l'angoisse déjà vécue au jour le jour.
Des thérapies peuvent alors aider à accepter la violence de ce qui est vécu chaque jour, sans se décourager, en sachant que, pour douloureux qu'il soit, chaque pas rapproche d'un apaisement réel.
Tout l'enjeu est de prendre le temps de vivre la douleur, de, consciemment, refuser la fuite ou l'anesthésie, pour être capable de vivre les beaux moments qui viendront un jour, plus tard... Mieux les vivre, les savourer, sans avoir rien oublié des épreuves traversées et de l'être aimé.
Un psychologue spécialisé en deuil périnatal saura rassurer le parent endeuillé sur la "normalité" de ce qu'il ressent.
Cependant, d'autres thérapies peuvent aussi être d'une grande aide, en fonction de la personnalité et des affinités de chacun, et venir compléter les apports d'une psychologue.



La sophrologie, une thérapie particulièrement adaptée à l'accompagnement d'un deuil périnatal.

Sophrologie, une thérapie pour accompagner le deuil
 Je vais aujourd'hui vous parler de la sophrologie, chère à mon cœur, et de ce qu'elle peut apporter à celui ou celle qui la pratique alors qu'il traverse un deuil.
J'interviewe pour cela Isabelle Thevel,  sophrologue, diplômée de l'Institut de Sophrologie Existentielle de Bordeaux.


Isabelle, peux-tu m'expliquer ce qu'est la sophrologie, et d'où elle vient?

Le terme de Sophrologie, Science de la Conscience, est créé en 1960 par le Professeur Alfonso CAYCEDO, Neuropsychiatre, lorsqu’il fonde l’École de Sophrologie à Barcelone.
La Sophrologie étudie les phénomènes de la Conscience, de toutes ses modifications possibles et leur utilisation pratique à des fins thérapeutiques.
Cette méthode repose sur des Relaxations Dynamiques basées sur le souffle conscient.
En pratiquant ainsi, en enchaînant les postures assises et debout, la sophrologie permet à celui qui la pratique d'éveiller sa conscience et de vivre l'instant présent. Il peut ainsi développer, de manière active, ses propres potentialités, ses capacités. Chacun a en effet des capacités biologiques et des facultés créatrices, des ressources qu'il peut utiliser au fil de son existence.

La Sophrologie est basée sur la prise de conscience de sa propre existence pour mieux la vivre.


Quel est ton parcours ?

J’ai découvert la sophrologie à titre personnel. Cette approche, qui englobe aussi bien le corps que l’esprit, m’a permis de dépasser des épreuves.
Forte de cette expérience, j’ai eu le désir de la faire partager à d’autres, d’en faire mon métier.
J’ai alors débuté un parcours de formation qui me permet, depuis 2004, d’exercer en tant que sophrologue indépendante.

Quelle définition de la sophrologie donnerais-tu ?

Pour moi, la sophrologie est un travail de l’harmonie entre corps et esprit
Elle permet de se redécouvrir, de retrouver le lien à soi même.

Peux-tu m’en dire plus sur la formation des sophrologues ?

C’est un parcours qui dure 4 ans.
Les deux premières années permettent un réel travail sur soi et autorisent à animer un groupe.
Si l’on souhaite aller plus loin et devenir sophro-thérapeute, il faut poursuivre pendant encore 2 ans.
Les rencontres se font sous forme de séminaires mensuels.
Le temps laissé entre deux séances de travail fait partie intégrante de cette formation. C’est lui qui permet à la maturation de se faire, qui donne sa profondeur au travail personnel, intérieur, qui s’effectue.
Au cours des deux dernières années, il permet aussi de vivre des séances en groupe, en tant qu’animateur, et de pouvoir en parler avec d’autres sophrologues, débutants ou confirmés.
Ce retour d’expérience, précieux, enrichit notre pratique.

Où peut travailler un sophrologue ? Dans quels domaines interviendra-t-il ?

C’est très varié.

Il peut bien sûr travailler en tant que sophro-thérapeute privé, ou animer des groupes dans des associations.

Son travail sera alors de permettre à chacun de mieux se connaître, pour mieux gérer et prendre en charge son stress, ses émotions, son sommeil, sa confiance en lui
Le participant découvrira aussi souvent qu’il peut mieux profiter de l’instant présent.
Ce lien à soi, dans un monde axé sur la performance, qui incite à « prendre sur soi » et soumet les individus à un stress et une productivité permanentes, est d’une grande aide.
Par ailleurs, en prenant soin de soi, en faisant preuve d’empathie avec soi même, on est aussi plus doux et tolérant avec les autres.

L’approche du sophrologue  est également très appréciée en complément de soins médicaux ou pour accompagner des périodes délicates de la vie.

Dans les hôpitaux, il intervient auprès :

  • des femmes enceintes, pour une meilleure perception des sensations et des émotions, un meilleur accompagnement à la naissance.
  • Dans les services de cancérologie, afin de diminuer l’impact des effets secondaires des chimiothérapie.
  • En soins palliatifs, afin de mieux « ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie »
  • En addictologie, il permet de mieux gérer l’abstinence et ses effets secondaires, de retrouver un nouveau rapport à soi-même et son corps, de libérer des émotions qui ont pu mener à l’addiction.

Dans les écoles, où il peut apprendre aux enfants à mieux gérer leur stress et leurs émotions.


Dans le domaine social, le sophrologue peut permettre de retrouver un lien à soi, une confiance perdue avec les épreuves de la vie.


Lors des deuils, enfin.

Le deuil se définit par des sentiments de tristesse profonde, d’abattement, ressentis à la mort d’un être aimé. L’endeuillé doit apprendre à vivre sans celui qu’il aime. Cela lui prend beaucoup d’énergie, de temps, c’est une réorganisation de sa vie, de ses priorités, un autre lien à lui même, dans lequel il retrouvera, intériorisé en lui, ce que l’autre lui a apporté. Le processus est long, et passe par des phases de déni, de colère, d’angoisse


Qu’est ce que la sophrologie peut apporter à des personnes en deuil ?

Une séance de sophrologie, c’est d’abord un temps pour soi, au cours duquel on va se retrouver « avec » ces émotions négatives que l’on évite.

Dans un premier temps, on va en prendre conscience. Prendre conscience de la colère, de la tristesse, de le révolte, de la culpabilité.

En en prenant conscience, on va pouvoir les vivre.
Cela peut-être douloureux mais c’est, sans aucun doute, un premier pas pour ressentir, de nouveau, la vie en soi. En effet, l’endeuillé peut être comme anesthésié, coupé de lui-même. Pendant une séance de sophrologie, il va ressentir son corps, sa respiration, être attentif à soi ici et maintenant, à ce qu’il ressent.
Il va apprendre à accueillir tout ce qui apparaît. Des sensations, des émotions désagréables et d’autres, parfois de manière surprenante, qui apaisent ou amènent de la douceur.

On rentre alors dans un travail de reconstruction. 

Il s’agit de continuer à construire sa vie avec l’absence, en vivant les questions, les peurs soulevées, la culpabilité … comme elles se présentent.
La sophrologie permet de s’ancrer dans l'ici et maintenant.

C’est un chemin, propre à chacun, vers un nouvel équilibre qui est proposé. 

Il passe par le vécu, par le corps, des ressentis tels qu’ils se présentent. En vivant chaque sensation, mais aussi en la laissant se transformer, passer, l’endeuillé retrouve peu à peu la liberté d’être lui-même.
Une liberté précieuse car elle ne coupe pas du passé. Elle ne ramène pas non plus, de manière traumatique, l’individu à ce passé bouleversant. Elle évite aussi des projections, parfois anxiogènes et aléatoires, dans le futur.
Elle permet, au contraire, d’intégrer la perte au présent, de rester soi-même, entier, sans rien renier de son passé mais solidement ancré dans le présent. Libre.

Dans le cadre d’un deuil périnatal, quels vont être les apports de la sophrologie ?

Pour une femme vivant un deuil périnatal, la sophrologie est une bonne approche car elle va lui permettre de s’apporter de la douceur, de prendre un temps pour soi, mais aussi de mieux ressentir les sensations de son corps.

Elle va vivre la séance dans son corps et pouvoir mettre des mots sur son ressenti corporel.

C’est très important car, souvent, après la naissance d’un bébé mort-né, le rapport des femmes à leur corps est ambivalent. Elles peuvent lui en vouloir, avoir l’impression qu’il les a trahies.
Prendre conscience de cela, le vivre, mettre de la douceur  sur ce vécu, c’est un pas important vers l'apaisement.

Elle va aussi apprendre à mieux vivre ses émotions, pour ne pas les éviter et ne pas les subir non plus.

Retrouver le lien avec sa respiration, réapprendre à respirer lui permettra de vivre différemment le choc d’avoir perdu un bébé, de laisser la place à d’autres émotions bloquées par ce choc.
Elle va aussi apprendre des exercices, des techniques, une manière de gérer la colère, l’angoisse, les émotions négatives.
Cela lui permettra de reconnaître leur présence, mais aussi de ne pas se laisser totalement envahir, de les laisser passer à travers elle sans les retenir, pour s'en libérer, toujours dans l’instant présent.

Petit à petit, en laissant ainsi la vie s’exprimer à travers elle, à travers ces sensations parfois brutales, elle pourra aussi apparaître des émotions positives d’apaisement, d’amour, de tendresse…

En séance, on peut aussi travailler sur la perte, l’acceptation de ce qui est, la projection positive dans l’avenir.
C’est une formidable manière d’agir pour soi, d’apprendre à s’ancrer dans l’instant présent.

Mais j’irai encore plus loin : pour moi, la sophrologie gagne aussi à être pratiquée par l’entourage de la mère.

En se faisant du bien, en rentrant en contact avec leur vécu, les proches vont pouvoir vivre ce qu’ils ont, eux aussi, à vivre, et qui peut être très douloureux.
Ce travail pour eux-même, ce temps de douceur et de libération pour eux va leur permettre d’être capables davantage de bienveillance et de force.
Ils pourront, ainsi, mieux soutenir la mère.

Les séances de sophrologie peuvent être individuelles ou en groupe. Que va apporter l’une ou l’autre des formules ?


Les séances de groupes peuvent être très adaptées à des personnes qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas parler et qui désirent faire un voyage intérieur, personnel.

En revanche, le travail  sera plus longà moins d'un suivi avec une autre thérapie (consultation d’une psychothérapeute spécialisée dans le deuil périnatal…)
Les séances de groupe avec d’autres parents endeuillés, comme certaines associations le proposent, sont une très bonne idée. Le groupe créera alors une dynamique, une solidarité très importante, qui permettra de mieux traverser le deuil.

Les séances individuelles, elles, sont une vraie thérapie, qui mêle verbalisation des ressentis, du vécu, et séance de sophrologie. 

Elles permettent un travail plus ciblé et plus en profondeur.

Comment se déroule une séance ?


En groupe comme en individuel, je demande toujours à la personne présente ce qu’elle désire mettre en place pour cette séance. 

Cette « intentionnalité », qui peut être de se détendre, d’évacuer un stress ou une colère, de se remettre dans l’instant présent… va guider la séance qui se déroulera par la suite avec des exercices adaptés.

A la fin de la séance, je demande à chacun de nommer ce qu’il a ressenti dans son corps, son vécu. 

Ces « vivances » mettent à jour des émotions, un ressenti personnel qui permettent à chacun de mieux se connaître.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’invite les participants à noter sur un journal ce qu’ils ont vécu au cours de la séance.

Merci à Isabelle pour le temps passé à répondre à mes questions, avec chaleur et professionnalisme! 
J'espère que cette interview vous a permis d'y voir plus clair et vous aidera, si la sophrologie vous attire, à contacter un sophrologue près de chez vous.
Isabelle, elle, pratique autour de Valence.



1 commentaire:

  1. J'aimerais que celles que la sophrologie a pu aider au cours de leur deuil laissent ici leur témoignage, j'espère que cela pourrait en aider d'autres...
    J'ouvre le bal :)
    Pour ma part, j'ai commencé la sophrologie 2 mois après la mort de ma fille.
    Je n'attendais pas grand chose, à vrai dire. Ma mère prenait des cours, des amis aussi, tous aimaient. Je sentais que j'avais besoin de faire quelque chose pour moi, après ce drame. Je me suis inscrite à une séance en groupe comme ça, pour voir...
    J'ai tout de suite accroché. Rien à voir avec les prépas naissances allongées qui étaient plus de la relaxation.
    Dès les premières séances, j'ai appris des exercices qui m'ont permis de me libérer de la colère que je sentais en moi, ou des émotions qui m’oppressaient. Des "trucs" tous simples, à faire chez soi quand on sent qu'on va craquer. Ca m'a aidée dans mon deuil, mais aussi à être plus patiente avec mes grands ^^.
    Chaque séance était aussi comme un voyage intérieur. Un moment où je prenais conscience des blessures que je cherchais à taire, ou j'étais invitée à faire preuve de bienveillance envers moi, envers ce corps que je détestais d'avoir fait mourir mon bébé.
    Un moment où vivre ce que j'avais à vivre, sans essayer de mettre un couvercle.
    Un moment, aussi, où ce que je ressentais, ce que je voulais devenait plus clair, comme quand, dans un bocal, l'eau agitée s'éclaircit lorsqu'on arrête de la remuer.
    Un moment où j'ai pu écrire à ma fille combien je l'aimais et, petit à petit, accepter son histoire...
    Ca ne s'est pas fait en une fois, mais les séances étaient souvent très fortes et, petit à petit, elles m'ont aidée à avancer, à trouver l'apaisement...

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